Rio: le Brésil à deux visages
- Diane Arnould
- 29 mai 2019
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 17 avr. 2022

Fica a vontade: expression brésilienne qui signifie "fait comme chez toi". On a eu de cesse de me le répéter depuis le début du voyage. Et c'est comme ça que je me retrouve une fois de plus accueillie de la meilleure des manières.
Victor a 40 ans et son histoire est assez atypique. Petit, il était un touche à tout, surtout en informatique. Il s'entraînait à la programmation seul dans sa chambre. Un jour son voisin lui proposa un coup de main et depuis tous les soirs après l'école il le rejoignait pour en savoir davantage. A quinze ans il parti vivre aux Etats-Unis, étudier et travailler. Rapidement son CV intéressa les entreprises qui commencèrent à le démarcher. Finalement cela fait sept ans qu'il vit en Suisse et ne revient au Brésil que deux semaines par an pour les vacances. Le pick-up de Victor s'arrête à Barra da Tijuca, chez son père. Nous entrons une fois de plus dans un quartier sécurisé. Véranda, piscine, sauna et femme de ménage, je ne tarde pas à comprendre qu'une fois de plus je côtoie le Brésil riche. Le lendemain alors que nous nous rendons chez sa mère je découvrirai l'autre Rio: "Tu es prête? Il faut y aller maintenant pour arriver là bas avant la fin d'après-midi. Je ne traverse jamais cette partie de la ville de nuit". Je suis mise au parfum... D'ailleurs en descendant de voiture mon ami rigole "une touriste à Vila da Penha, ça n'arrive jamais!" Ce n'est pas tant le quartier qui est dangereux mais plutôt le chemin pour y arriver. Il faut longer la favela Jacare, peut-être la plus dangereuse de Rio. Complètement démolie il y a quelques années pour les Olympiades, elle a refait surface, rapidement et de manière désorganisée, comme un champignon qu'on aurait mal soigné. Le lendemain au retour, sur ce même trajet, une moto nous double et nous regarde avec insistance. Le passager est armé mais finalement poursuit sa route. Au Brésil, le port d'armes n'est pas autorisé à l'extérieur mais il l'est chez soi, rétabli par Bolsonaro alors que le Parti des Travailleurs l'avait interdit malgré le référendum positif. Enfin, autorisé ou pas, ici on sait que ce n'est pas le problème. Je ne me sens pas très à l'aise depuis mon arrivée à Rio, j'ai tendance à aimer vagabonder pour découvrir une ville, à errer sans carte ni repères pour mieux appréhender l'ensemble. Je me rends compte qu'ici c'est trop risqué. Ma liberté en prend un coup après plus de trois mois. A la maison on parle beaucoup politique, on sent que le clivage est bien présent, rien n'est tout blanc ou tout noir et même si certains ont voté Bolsonaro ils ne s'estiment pas "Bolsonarista" pour autant. C'était plutôt par dépit, pour éviter de se "faire voler encore une fois" comme ils disent. "Haddad ne faisait pas le poids, si encore ils avaient mis quelqu'un d'autre à la tête du PT". Pour changer de sujet on parle un peu du projet de Victor, qui dans quelques mois va revenir s'installer ici. Sa visite à Cuña près de Paraty n'avait pour but que de trouver un terrain qu'il rêve d'exploiter de manière bio et écologique tout en maniant les bitcoins si le réseau internet de la montagne lui permet.
Après une semaine en sa compagnie et alors qu'il repart pour la Suisse, je décide quant à moi de me rapprocher d'Ipanema. Après le Rio local il est temps de découvrir le Rio touristique. A l'auberge dans le quartier de Gloria, je retrouve un ami australien, rencontré l'année dernière lors de mon trek au Machu Picchu. Lui n'a pas quitté l'Amérique du Sud depuis deux ans maintenant. Nous partons voir le Christ Rédempteur, puis le Pain de Sucre au coucher du soleil, je jouerai à la garota d'Ipanema sur la plage éponyme, la grâce en moins. C'est que les vagues sont fortes ici, finalement elles ne sont domptées que par des surfeurs assidus. Si à Copacabana le Pain de Sucre nous fait de l'oeil, moi je préfère néanmoins Os dois irmãos de sa plage voisine. Rio c'est aussi le Parc Lage, le jardin botanique, les fameux escaliers Selaron dont on doit la renommée à l'artiste chilien du même nom, les arches de Lapa, le parc Tijuca (Pico da Tijuca, Pedra da Gavea), la bibliothèque royale portugaise et de nombreux musées. Et alors que j'étais sur le point de partir Marcela m'envoie un message. En voyage dans le nord du pays depuis notre rencontre à la Chapada Veadeiros, elle a finalement décidé de rentrer à Sao Paulo en passant par Rio. De belles retrouvailles trois mois après, dans des conditions pour le moins particulières puisque toutes les deux malades. Mais au moins là l'une pour l'autre et pas de soucis, le médecin a confirmé, ce n'est pas la dengue!
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